Du 1er au 24 décembre, chaque jour un visage .
Comme le soulignait Daniel Arasse,
« le portrait est inévitablement une méditation sur le temps ».
Ce temps de l’avent — du latin adventus : avènement, arrivée du Messie — représente la période qui couvre les quelques semaines précédant Noël.
Que l’on soit croyant ou pas, c’est un moment particulier dans l’attente du solstice d’hiver où le mouvement repart en direction de la lumière.
Une lumière intérieure affleure dans les regards de ces 24 visages choisis dans l’histoire ancienne et contemporaine de la peinture et de la photographie, parce qu’ils m’ont émue, fascinée, captée.

Madame Cavé, née Marie-Élisabeth Blavot à Paris en 1806 et morte à Neuilly-sur-Seine le 15 octobre 1883, est une artiste peintre et enseignante de dessin.
Au moment où Ingres l’a peinte, elle était mariée à l’un de ses élèves, Clément Boulanger (1805–1842). Des traces d’un bord incurvé à la surface de la toile indiquent que le portrait avait été encadré en ovale avant que Ingres n’y ajoute la dédicace en tant que Madame Cavé, ce qui a dû avoir lieu une décennie plus tard, après qu’elle se soit remariée. Le portrait de Monsieur Cavé par Ingres en 1844 — où il arbore le même demi-sourire et le regard intérieur — a été conçu comme un pendant à celui de Marie-Élisabeth.

Connue pendant la Monarchie de Juillet comme Madame Cavé à cause des fonctions officielles de son mari, elle entretient de bons rapports tant avec les néoclassiques admirateurs d’Ingres qu’avec les romantiques qui se reconnaissaient en Eugène Delacroix, dont elle était amie.
Elle mène une vie assez indépendante, avec une carrière de peintre ininterrompue jusqu’en 1855.

Parallèlement à sa carrière de peintre, à partir de 1836, elle donne des cours dans une école de jeunes filles où elle développe et applique une méthode personnelle d’enseignement du dessin.
Elle la transcrit dans une publication, Le Dessin sans maître, qui paraît en 1850, date à laquelle elle ouvre son propre cours 110, avenue des Champs-Elysées comme l’indique une annonce du journal Le Constitutionnel du 19 décembre 1850 (en bas de la première colonne de gauche). Succès éditorial, le manuel fera l’objet de plusieurs rééditions, notamment en 1852.

L’ouvrage se compose d’une suite de lettres que Madame Cavé destine à une amie prénommée Julie afin qu’elle forme ses deux filles, Marie et Élise, à la pratique du dessin. Sa pédagogie repose sur trois opérations successives à réaliser dans la même journée : calquer le modèle sur une gaze tendue sur un cadre en bois, puis dessiner à vue d’œil et se corriger à l’aide de la gaze (ou calque vérificateur), et enfin dessiner le modèle de mémoire sans l’aide du calque.
Pour élaborer sa technique d’apprentissage, Madame Cavé s’inspire d’exemples puisés chez ses prédécesseurs comme Leon Battista Alberti (1404-1472), Léonard de Vinci (1452-1519), Albrecht Dürer (1471-1528) ou Sebastiano Serlio (1475-1554?) mais également chez ses contemporains comme Horace Lecoq de Boisbaudran (1802-1897) ou Amaranthe Roulliet (1810-1888).
Mais l’originalité de sa méthode, outre sa forme épistolaire qui en fait semble-t-il l’unique exemple de ce type concernant l’enseignement du dessin, repose sur le fait de combiner usage du calque et dessin de mémoire ; conseil formulé en son temps par Vinci (avec un calque sur verre) mais depuis largement oublié.

Dans ma série de rêves photographiques Les 36 vues de la petite mer, j’ai imaginé la transposition de ce visage dans un paysage d’ajoncs et de rivage de l’île-aux-moines.
Confronter la peinture avec mes photographies de l’île, mélanger ces images pour approfondir l’expérience du paysage, inventer des mondes possibles, des paysages imaginaires parce que là-bas plus qu’ailleurs, au gré des marées et de l’heure du jour, la réalité est changeante.
J’ai cherché à dissoudre la frontière entre peinture et photographie. Surimpression, recherche du flou, expositions multiples, j’explore ici mon lien avec ces paysages : une incitation à la contemplation silencieuse, une forme de mélancolie douce.
Textes issus de notes prises en consultant le site du MET, celui de la bibliothèque de l’INHA et Wikipédia
