Du 1er au 24 décembre, chaque jour un visage .
Comme le soulignait Daniel Arasse,
« le portrait est inévitablement une méditation sur le temps ».
Ce temps de l’avent — du latin adventus : avènement, arrivée du Messie — représente la période qui couvre les quelques semaines précédant Noël.
Que l’on soit croyant ou pas, c’est un moment particulier dans l’attente du solstice d’hiver où le mouvement repart en direction de la lumière.
Une lumière intérieure affleure dans les regards de ces 24 visages choisis dans l’histoire ancienne et contemporaine de la peinture et de la photographie, parce qu’ils m’ont émue, fascinée, captée.
« Sophie Zénon, artiste photographe, créé entre 2015 et 2017 un cycle dédié à son histoire familiale, intimement liée à celle de l’immigration italienne en France pendant l’entre-deux guerres. […] Son œuvre […], depuis plus de vingt ans, travaille à rendre visible notre rapport intime et collectif au passé. […] Son travail, depuis les archives, cartographie un nouveau paysage, peuplé des visages du passé. »1

« Être d’ailleurs. Vivre ici.
Entre la terre des origines, l’Italie, et la terre normande natale, comment se sentir d’ici plutôt que d’ailleurs ?
Partis d’Italie du Nord, mes parents et grands parents ont longtemps navigué entre l’Italie, la Suisse et la France, motivés tant par les besoins en main d’œuvre que nécessitaient les reconstructions des deux après-guerres que par la peur du fascisme. […] . »2
« Pour ma grand-mère [j’ai trouvé ] : un portrait réalisé en studio […], en noir et blanc toujours, datant de 1933, peu avant son départ pour la France. Elle nous regarde légèrement de trois quart mais on a la sensation qu’elle nous regarde sans nous voir. C’est étrange ce regard qui vous dépasse, ne sachant pas si la personne est dans le présent, dans le futur, s’il y a une nostalgie ou si elle se projette dans l’avenir. Cette photo mélancolique est devenue une image iconique.»1

Sophie Zénon parle d’images palimpseste, du « corps qui se transforme en paysage ou [du] paysage qui se transforme en corps… »
« Qu’est-ce qu’on fait de cette perte d’être cher ? Comment on transcende ça, comment on peut vivre avec ? Comment on peut vivre avec nos douleurs, nos peines ?
[…] Le deuil aussi est moteur de création.»3
« L’utilisation des archives, de sources iconographiques diverses (photographies, cartes postales, radiographies, dessins, cartes géographiques) est effectivement l’un des traits distinctifs de mon travail, et pas seulement dans ce cycle. Elles sont toujours associées et en dialogue avec des photographies que je réalise. C’est au cœur de mon dispositif. Les archives me fascinent, c’est de la matière première, brute, sans filtre. La rencontre avec elles me bouleverse.»1

« […] Je suis partie des albums de famille que ma mère a constitués. Ce qui est intéressant dans un album, c’est qu’il est tout autant une source de vérité que de mensonge. Il a ce qui est montré, mais aussi ce qui est omis. Ce qui m’a intéressée, c’est de trouver des indices autour de la jeunesse de mon père et de ma grand-mère. Et là, à ma grande déception – où peut-être tant mieux devrais-je dire – je n’ai pas trouvé grand chose. Je dis tant mieux parce que c’est aussi de ce manque que naît l’impulsion créatrice.»1
Sophie Zénon évoque Pierre Bourdieu : « la photographie aide à surmonter l’angoisse suscitée par l’écoulement du temps, elle fournirait un substitut magique de ce que le temps a détruit.»3

« Pour moi, c’est […] cela la photographie, c’est donner une part de rêve et bâtir à partir de la réalité mais s’en échapper.
[…] Comment transformer l’acte photographique en acte poétique ?
C’est là le cœur du problème.»3
1 Extraits de Entretien avec Sophie Zénon : être paysage : Entretien avec E. Schmit. Revue Entre-Temps. 2ème volet 15 juin 2021.
2 Extrait du site de Sophie Zénon
3 Extraits de l‘Entretien avec Yannick Leguillanton. Podcast « L’Oeil Ecoute » n°14 (éditions Hemeria). 2ème volet. 22 mai 2021
