Du 1er au 24 décembre, chaque jour une, des fenêtres vues par les photographes.
Que l’on soit croyant ou pas, le temps de l’Avent est un moment particulier dans l’attente du solstice d’hiver où le mouvement repart en direction de la lumière.
Ouvrir chaque jour une, des fenêtres vers la lumière : documenter la façon dont les artistes photographes regardent les fenêtres.
Photographie, du grec ancien φῶς, φωτός, phôs, phôtós, lumière et γράφω, gráphô, écrire, littéralement : écrire avec la lumière.

Peter Fetterman Gallery
Marc Riboud est né en 1923 à Saint-Genis-Laval, près de Lyon. À l’Exposition universelle de Paris en 1937, il prend ses premières photographies avec le petit Vest-Pocket offert par son père pour ses 14 ans. En 1942 il devient résistant et il participe aux combats dans le Vercors en 1944. Il fait des études d’ingénieur à l’Ecole centrale de Lyon et travaille en usine, puis il décide de se consacrer à la photographie.
En 1953, il obtient sa première publication dans le magazine Life pour sa photographie d’un peintre de la tour Eiffel. Sur l’invitation d’Henri Cartier-Bresson et de Robert Capa, il rentre à l’agence Magnum.
En 1955, via le Moyen-Orient et l’Afghanistan, il se rend par la route en Inde, où il reste un an. De Calcutta, il gagne la Chine en 1957 pour un premier long séjour avant de terminer son périple en Extrême-Orient par le Japon où il trouve le sujet de son premier livre : Women of Japan.
En 1960, après un séjour de trois mois en URSS, il couvre les indépendances en Algérie et en Afrique subsaharienne. Entre 1968 et 1969, il effectue des reportages au Sud ainsi qu’au Nord Vietnam, où il est l’un des rares photographes à pouvoir entrer. Dans les années 1980-1990, il retourne régulièrement en Orient et en Extrême-Orient, particulièrement à Angkor et Huang Shan, mais aussi pour suivre les changements immenses et rapides de cette Chine qu’il connaît depuis trente ans.
En 2011, Marc Riboud fait une dation au Musée national d’art moderne (Centre Georges Pompidou) d’un ensemble de 192 tirages originaux réalisés entre 1953 et 1977. Son travail a été couronné par des prix prestigieux et musées et galeries exposent son travail à Paris, New York, Shanghai, Tokyo, etc.
Marc Riboud s’est éteint à 93 ans à Paris, le 30 août 2016. Le cœur des ses archives a rejoint les collections du Musée national d’arts asiatiques – Guimet en 2019.1

Dans l’introduction de son délicieux petit livre Un paradigme, paru en 2012 -un de mes livres de chevêt- le sinologue suisse Jean-François Billeter écrit ceci :
Quand je m’installe au café le matin, je sais que je ne serai pas dérangé. Je pourrai suivre le développement de mes idées ou me laisser dériver en écoutant distraitement les conversations, laissant mes pensées libres de se rappeler à mon attention quand elles le voudront.
Travailler au café m’aide aussi à me tenir tranquille. Chez moi je m’agite, je me lève pour déambuler, ce que je ne puis faire en public. Cette contrainte m’est favorable, elle m’empêche de me dissiper, elle me permet de garder plus facilement le cap. À la maison, je suis entouré de livres, de notes, de travaux qui attendent, de lettres auxquelles je dois répondre, etc. de sorte que je suis sans cesse tenté de sauter d’une chose à une autre. Au café, je n’ai que les quelques feuilles de papier et les notes ou le livre que j’ai apportés.
Je m’isole, certes, mais je mets aussi mon occupation en rapport avec celles des autres habitués, que je connais ou que je devine. Leur compagnie me rassure. (…)
Mais mon goût du retrait va plus loin. Ce qui m’importe, quand je m’installe ainsi, c’est de me sentir dégagé de toute obligation, même de celles qui viennent de moi. Dans cet endroit où je ne possède rien, mais dont je prends discrètement possession en disposant à ma guise les quelques objets que j’admets sur ma table, je renoue avec moi-même. C’est un plaisir aristocratique.
Quand j’atteins cette souveraine disponibilité, un vide se crée. De ce vide presque invariablement, au bout d’un moment une idée surgit. Je la note si le mot juste se présente.
Ces moments sont un plaisir essentiel, dont je ne voudrais être privé pour rien au monde.
Quand une idée m’est venue et qu’elle est notée, j’ai le sentiment que, quoi qu’il arrive, la journée n’aura pas été vaine.
(…)

Né en 1922 à São Paulo, dans le quartier de Brás, German Lorca, après avoir travaillé comme comptable, découvre la photographie en 1945 en amateur et perfectionne ses compétences en rejoignant le Foto Cine Clube Bandeirante en 1948. Ses œuvres commencent à être reconnues lors de salons artistiques et il décide de se consacrer pleinement à la photographie en 1952, abandonnant son métier de comptable pour ouvrir un studio spécialisé dans la photographie commerciale et publicitaire. En 1966, il inaugure un studio moderne dédié à cette activité, qu’il poursuivra jusqu’en 2003. Après l’arrêt de la photographie commerciale, il continue à produire des œuvres personnelles et à explorer sa passion pour la photographie jusqu’à sa mort en 2021.2
German Lorca est un photographe, au sens moderne le plus pur du terme. Les images qu’il produit tout au long des années 1950 nous transportent non seulement dans une autre époque, mais surtout dans une autre façon de voir le monde, qui caractérise la vision moderniste.
Le modernisme a abdiqué les thèmes bucoliques et picturaux de la photographie académique, se lançant avec avidité sur la ville moderne.
(…) L’expérience moderne, cependant, ne se limitait pas à un simple exercice formaliste, au contraire, elle était vue comme un renouvellement profond des bases conceptuelles de la photographie et s’appuyait, entre autres enjeux, sur la reformulation du concept de documentation.3
Il décrit son travail comme un art « qui témoigne du quotidien, quelques fois de manière expérimentale ». Son attirance pour São Paulo ne peut manquer de frapper. S’il photographie « tout ce qui le stimule », German Lorca avoue une préférence marquée pour « le centre, le quartier de Bras et l’agitation des parcs de São Paulo ». Des lieux dont il a fourni un document historique précieux, puisqu’en 70 ans de photos il s’est également fait témoin de l’évolution de la capitale pauliste.4
1 Biographie sur le site des Amis de Marc Riboud.
2 Extraits de la Biographie de l’artiste ici
3 Extraits du texte de Hélouise Costa, professeur et conservateur au USP Museum of Contemporary Art et co-auteur du livre La photographie moderne au Brésil (Cosac Naify)
4 Extraits du texte d’Amélie Perraud Boulard
