Du 1er au 24 décembre, chaque jour une, des fenêtres vues par les photographes.
Que l’on soit croyant ou pas, le temps de l’Avent est un moment particulier dans l’attente du solstice d’hiver où le mouvement repart en direction de la lumière.
Ouvrir chaque jour une, des fenêtres vers la lumière : documenter la façon dont les artistes photographes regardent les fenêtres.
Photographie, du grec ancien φῶς, φωτός, phôs, phôtós, lumière et γράφω, gráphô, écrire, littéralement : écrire avec la lumière.

© Cyril Zannettacci – Galerie VU’
L’hôpital de la rue.
C’est au coeur d’une unité de soins pour sans-abris que le photographe Cyril Zannettacci assiste en 2021, au déferlement de l’épidémie du Covid19.
Situé à Nanterre, aux portes de Paris, le Centre d’Hébergement et d’Assistance aux Personnes Sans-Abri (CHAPSA), lieu unique en France, accueille et accompagne des sans-abris dans un parcours de soin.
Avec ses airs d’hôpital abandonné, le centre accueille des sans-abris depuis la fin du 19e siècle. À l’origine, il s’agissait d’une prison pour éloigner les mendiants. Il faudra attendre le début du 20e siècle pour qu’il devienne le centre que l’on connaît aujourd’hui : un lieu accueillant exilés, travailleurs précaires, femmes fuyant les violences. N’ayant pas les mêmes ressources, ni la même réputation que la médecine classique, la médecine sociale souffre d’un manque considérable de moyens, de budgets et d’effectifs. Rationnement voire disparition de certains produits d’hygiène, locaux vétustes, WC condamnés depuis des mois, équipe de nuit réduite à une infirmière et une aide-soignante pour quarante-huit patients…
À la tête du service médical, la docteure Valérie Thomas est à deux doigts de rendre sa blouse : aujourd’hui cet établissement hybride est au bord de la rupture. Elle déplore non seulement le « mépris d’État envers ceux qui soignent les plus pauvres », mais aussi l’injustice liée à la dégradation des services atteignant son paroxysme depuis l’épidémie. Elle « voit bien, comme ses équipes, le fossé qui sépare la médecine sociale de la médecine classique dans notre système de santé (…) il n’est pas aisé de trouver des subventions pour notre public, qui n’a aucun poids politique. Il est toujours plus facile financièrement de tenir une clinique à Neuilly qu’un centre pour sans-abri à Nanterre ».
(…) Au bord du burnout, ceux qui restent se mobilisent tant bien que mal pour continuer les soins et protéger la santé des sans-abris. « Ce n’est pas n’importe quel lieu, prévient un médecin à la cantine. On trouve ici condensés tous les problèmes du monde actuel ».1
Les citations sont issues de l’article de Romain Jeanticou, L’hôpital de la rue, pour le Télérama n°3727, le 16/06/21

Les photographies de Lilo Raymond dépouillent implacablement l’inutile, mettant en scène des sujets simples : un lit soigneusement
[dé]fait, un vase de fleurs près d’une fenêtre, le visage sculpté en pierre d’un ange sur un monument funéraire, le tout enveloppé dans un riche voile de lumière naturelle.
Née en 1922 à Francfort, en Allemagne, Raymond a fui le régime nazi à l’âge de 16 ans, s’installant à New York, où elle a rejoint la scène artistique bohème de Greenwich Village. Elle y a exercé divers métiers, notamment mannequin pour artistes, serveuse et même professeure de tennis. Elle n’a découvert sa vision poétique qu’à un stade plus avancé de sa vie, ne se consacrant sérieusement à la photographie qu’à la fin de la trentaine, lorsqu’elle a étudié avec le légendaire photographe et tireur d’art David Vestal à la Photo League. Elle a commencé à exposer ses œuvres dans diverses galeries dans les années 1970, avant de s’installer dans la région de la vallée de l’Hudson il y a une vingtaine d’années.
Ses œuvres font partie des collections du Museum of Modern Art, du Metropolitan Museum of Art et du Victoria and Albert Museum, entre autres.

(…)
Enfant, je rêvais de vivre aux États-Unis, d’aller à l’école américaine, de descendre à vélo l’allée bordée d’arbres jusqu’à la maison avec jardin, ma chambre se trouvant au deuxième étage.
Je voulais parcourir les routes que Max et Dingo empruntent pour aller pêcher au Destiny Lake, pour aller à un concert à Los Angeles, en m’arrêtant pour manger dans un diner au sol à carreaux et dormir dans des motels.
Je me souviens de la première fois que j’ai écouté American Pie de Don McLean. Un voyage en voiture avec ma famille. France ou Autriche, 14 ou 15 ans. Je m’asseyais toujours à gauche. Par la fenêtre, mes yeux voyaient passer les maisons tyroliennes avec les géraniums en fleurs sur les balcons et les prairies vertes en août. Mon esprit voyait le désert et les palmiers de Californie.
Je rêvais de la fille blonde, la plus belle de l’école, avec laquelle j’irais au bal de fin d’année.
Je me souviens des nuits avec Steinbeck et Kerouac au lycée, avec Bukowski et le whisky à l’université.
Les photographies de Dorothea Lange, Fandango et Paris, Texas. La rivière de ma vie détournée À L’est d’Éden.
En 2013, j’ai obtenu mon master en droit et j’ai commencé à travailler pour un cabinet d’avocats.
Le lendemain du jour où j’ai fini de lire À L’est d’Éden de Steinbeck, j’ai été submergée par la peur et le courage qui m’ont poussée à dire à mon père que je voulais être photographe.
Je suis allée en Amérique presque chaque année depuis 2016, à la recherche de mon rêve, essayant d’embrasser la nostalgie de moments que je n’ai jamais vécus si ce n’est à travers les arts.
Ces voyages en Amérique sont des voyages à l’intérieur de moi-même, à l’intérieur de mon inconscient, à l’intérieur de mon avenir et de la conscience que, depuis mon premier voyage, je sais que je ne voudrai jamais m’arrêter.2
1 Extraits du texte de présentation de la série de Cyril Zannettacci, CHAPSA, 2021, sur le site de l’agence Vu’
2 Texte de présentation de la série American Eden par Valerio Geraci sur le site de L’Œil de la photographie
> American Eden (2024, Penisola Edizioni), le premier livre photographique de Valerio Geraci, est finaliste du Lucie Foundation Photo Book Prize 2024.
