© Perrine Lievens, Temps couvert
Tirage aux encres pigmentaires sur papier Hahnemühle PHOTO RAG 308g, format 50 x 37 cm.
Nuages d’Or & Japon
120. Les nuages
« Les nuages blancs, pourpres, noirs, me ravissent.
Les nuages chargés de pluie, que le vent chasse.
J’aime voir aussi, à la pointe du jour, les nuages sombres,
qui peu à peu blanchissent. Dans une poésie chinoise, on a
parlé, je crois, de la teinte qui disparaissait à l’aurore.
C’est bien joli encore lorsqu’un nuage mince couvre la face brillante
de la lune ! »
Sei Shônagon, Notes de chevet, début du XIe siècle. (1)

Kâno Eitoku, Paire de paravents à 4 panneaux, couleurs sur papier doré, époque Momoyama, XVIe siècle, Musée National de Tokyo
Sur ce merveilleux paravent de Kanô Eitoku (1543-90) – considéré comme le plus grand artiste peintre de son temps – les nuages sont d’or.
Sur un fond de feuilles d’or représentant la terre et les nuages, un gigantesque cyprès du Japon (hinoki) étend majestueusement ses branches noueuses sur toute la surface du paravent. Entre la terre d’or et les nuages d’or, s’étend une pièce d’eau d’un bleu outremer.

Anonyme, Détail d’un paravent à six panneaux, scène du Genji monogatari, Encre, couleur et or sur papier, époque Momoyama, XVIe siècle, Walters Art Museum, Baltimore
Le Dit du Genji ou Genji monogatari écrit par Murasaki Shikibu, une dame de la cour de Heian (actuelle Kyoto), à la fin du Xe siècle est le plus ancien roman fleuve du monde. Il décrit avec minutie la vie quotidienne et les sentiments des nobles de la cour impériale à travers la figure du Prince Genji.
Ce récit a été mis en images du XIIe siècle jusqu’à nos jours sur les supports les plus variés, peintures en forme d’éventail, kakémonos, cloisons coulissantes ou paravents comme ici. On appelle ces oeuvres les peintures du Genji, ou Genji-e.

Autre détail du même paravent
Dans ces Genji-e, les artistes japonais utilisent la perspective axonométrique qui impose un point de vue élevé. Ils sont confrontés au problème de la représentation des personnages à l’intérieur des bâtiments. Aussi emploient-ils le procédé du « toit enlevé », fukinuki yatai : toits et plafonds sont supprimés.
À partir du XVe siècle, des volutes dorées couronnent ou ceignent l’image, empiétant sur certains motifs. Ce sont des nuages de convention. Ils créent de nouvelles délimitations plus souples, dissimulent certaines zones et mettent en valeur des portions de l’image en les encadrant. Ces moutonnements de nuages d’or atténuent la rigueur des formes anguleuses des architectures et manifestent la grande sensibilité des peintres japonais à la beauté de l’or. Il faut les imaginer dans la lumière douce des flammes fragiles d’autrefois qui leur donnait vie et mouvement.
Notes :
(1) Sei Shônagon, Notes de chevet
Connaissances de l’Orient,
Gallimard /Unesco