La Vierge et son enfant nimbés d’or sont les personnages principaux d’une des 53 fresques —celle de la Nativité du Christ —peintes par Giotto di Bondone dans la chapelle Scrovegni, à Padoue en Italie en 1304- 1306.

« Peut-on envisager moment d’« intériorité partagée » plus grand que le regard reliant Marie à Jésus dans cette fresque de Padoue ? » 1

« Après le grand cycle de la Vie de saint François pour la Basilique d’Assise, peint durant la dernière décennie du Duecento, Giotto di Bondone2 (portait ci-contre3) réalise à Padoue, en 1304-06, la décoration de la Chapelle Scrovegni4. Le programme comprend, sur les murs Nord, Est et Sud, distribués en quatre registres, les Vies de Joachim et d’Anne, de Marie, celle du Christ depuis l’Enfance jusqu’à la Passion, ainsi que quatorze Allégories des vices et des vertus. »
« Par opposition à la Nativité de Marie, qui se déroule dans un environnement domestique, celle de Jésus se déroule dans un environnement rocheux, dénué de toute présence végétale. »


« Joseph est recroquevillé au premier plan, les yeux fermés, détail qui marque son extériorité à cette naissance divine.
À l’inverse de Joseph, les bergers tournent le dos au spectateur de la fresque, tout absorbés par l’annonce de l’ange, celui de droite a cessé de jouer de la cornemuse dont on voit la poche dépasser sous son bras gauche. Leur étonnement se lit dans le mouvement de leurs mains, soulevées à hauteur du menton. »

« Dans l’ensemble des Nativités jusqu’à Giotto, le groupe Mère-Fils occupait le centre de la composition pour une question de préséance hiérarchique, et les différentes scènes secondaires gravitaient autour de ce centre. Dans la chapelle Scrovegni, Giotto fait primer la scansion narrative et invente une nouvelle façon de guider le regard du spectateur d’une scène à l’autre. De même que le groupe des bergers est tout à droite dans l’image, à tel point que l’un d’entre eux est coupé par le cadre de la fresque, le groupe comprenant Marie, Jésus, la sage-femme et les animaux est déporté sur la gauche où la sage-femme et le bœuf se trouvent amputés d’une bonne partie de leur corps. »


« Le peintre n’hésite pas à laisser vide le centre de la composition – situé légèrement au-dessus des jambes de Marie –. Du point de vue de l’histoire de l’iconographie, c’est comme si le peintre avait voulu suggérer qu’un instant auparavant, la Vierge se tenait encore assise et bien droite, telle que la montre le Maestro della Cattura à Assise, par exemple, et qu’il nous présentait ici un changement d’attitude tout récent, que Marie venait tout juste de tordre son corps pour se projeter vers son Fils, l’embrasser et l’admirer. (…) Giotto peint donc Marie libérée de la position hiératique à laquelle la contraignait le contact avec le spectateur dans l’iconographie byzantine. »

« (…) La Vierge tient de ses deux mains l’enfant langé, et elle le regarde. Jésus lui rend son regard, ce qui confère à la scène une intensité inédite. Le lien d’affection entre la Mère et le Fils, représenté donc dans le contact physique mais avant tout dans l’intensité du regard, souligne leur rapport de confiance. Giotto fige en effet Jésus en suspens dans les airs, en train d’être déposé dans/soulevé de la crèche, dépendant des gestes de sa Mère. Son regard est à la fois celui du Fils qui découvre celle dont va dépendre sa survie et déjà le regard du Dieu, devenu homme, qui remet son sort entre les mains des humains. »
1/ Entre guillemets, extraits de La Nativité italienne. Une histoire d’adoration (1250-1450), Thèse de Doctorat de Giulia Puma, Université de la Sorbonne nouvelle – Paris III, 2012
2/ Giotto en 2 minutes sur l’excellent site de Beaux Arts Magazine
3/ Ce beau Portrait de Giotto, attribué à Paolo Ucello, un détail des « Cinq maîtres de la Renaissance », fin du XVe ou première moitié du XVIe siècle, une huile sur bois de 66 x 21 cm, est conservé au musée du Louvre.
4/ Ci-dessous, une vidéo très bien faite sur la Chapelle Scrovegni entièrement conçue et peinte par Giotto. Il y a quatre vidéos en tout, dont le seul petit défaut est d’être en anglais 😉