Du 1er au 24 décembre, chaque jour un visage .
Comme le soulignait Daniel Arasse,
« le portrait est inévitablement une méditation sur le temps ».
Ce temps de l’avent — du latin adventus : avènement, arrivée du Messie — représente la période qui couvre les quelques semaines précédant Noël.
Que l’on soit croyant ou pas, c’est un moment particulier dans l’attente du solstice d’hiver où le mouvement repart en direction de la lumière.
Une lumière intérieure affleure dans les regards de ces 24 visages choisis dans l’histoire ancienne et contemporaine de la peinture et de la photographie, parce qu’ils m’ont émue, fascinée, captée.
Le syndrome de Stendhal n’est pas une vue de l’esprit, je l’ai éprouvé devant la courbure du front haut de ce portrait de la Renaissance italienne, à droite en entrant dans une salle sans fenêtres de la Gemäldegalerie, un matin pluvieux d’octobre à Berlin.
« J’étais arrivé à ce point d’émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les Beaux Arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j’avais un battement de cœur, la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber. », écrit Stendhal dans Rome, Naples et Florence.1

On ne sait pas qui était cette jeune-femme vêtue d’un brocart, assise, ainsi que le suggère sa posture, dans l’embrasure de marbre incrustée de porphyre d’une fenêtre ou d’un balcon.
Son profil rehaussé par un ciel d’un bleu profond en arrière-plan, ses cheveux blonds rassemblés en une sorte de petite coiffe, les contours du visage délimités avec précision, ainsi que les couleurs claires et contrastées sont des éléments typiques de l’école florentine.

Le corsage, un morceau de peinture, comme disent les historiens de l’art, est fait d’un brocart, riche tissu de soie, en trois couleurs (rouge, blanc et vert) à motif de grenades, feuilles et palmettes, symétrique par rapport à la série d’attaches centrale, et des manches en velours rouge brodé de fil d’or.

On est pas non plus très sûr de son attribution… La parenté de ce portrait est en effet une question qui a troublé les historiens de l’art depuis qu’elle a été portée à l’attention du public.
Le portrait qui se trouvait à Paris, en 1815, était attribué à cette époque à Botticelli. Il a ensuite été attribué à Piero della Francesca, vendu par un marchand d’art anglais à Londres en 1897 et entré en possession de la Gemäldegalerie à Berlin. Cette dernière a suivit une attribution à Domenico Veneziano par un historien de l’art allemand jusqu’en 1972 mais s’est finalement ralliée à celle d’un historien de l’art italien qui attribue ce travail à Antonio Pollaiuolo, ce que la plupart des experts considère à présent comme sûr, bien qu’une minorité ait proposé à la place son frère Piero Pollaiuolo.
En 2014, notre belle inconnue est temporairement exposée au musée Poldi-Pezzoli à Milan avec des portraits de profil de femmes de la Renaissance attribués comme elle aux frères Pollaiuolo !



Mais ils me font penser à ceux des princesses disgracieuses en mal de mari que son premier ministre présente à Jean Marais en roi bleu qui vit entouré d’hommes peints en bleu dans une scène de Peau d’Âne — le film de Jacques Demy .
Et le roi de protester :
– et les princesse de conte, ont-elles disparu ?
– Il reste bien celle-ci, répond le ministre
– Montrez…, Dieu, qu’elle est belle ! Vous la cahiez, félon !
Quelle douceur, quelle pureté, quelle grâce, voyez la ligne de cette épaule…
Dans l’un des collages de ma série fragments d’elles — revisité en tondo pour l’exposition Ensembles —, c’est elle qui est à la fenêtre, songeuse, contemplant le soleil couchant en compagnie d’un oiseau au ventre mordoré.

Dans cette série de collages, mon ambition est, qu’en quittant le tableau original pour entrer dans un champ esthétique autre, « mes » femmes soient vues différemment, qu’elles acquièrent une vie propre ou peut-être la retrouvent (au sens de retrouver sa liberté), qu’elles partent en voyage et libèrent l’imaginaire du regardeur comme on ouvre une fenêtre sur un autre monde et qu’elles deviennent les héroïnes d’une histoire à écrire.
1 Rome, Naples et Florence, Stendhal, Folio classique N° 1845

Geneviève Catta
Votre œuvre « Impression soleil couchant » est magnifique, chère Barbara!
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Barbara
Merci, merci chère Geneviève ! 😊
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