Arbor-essence

L’arbre est le seul être qui, comme l’homme, se tient debout et se dresse vers le haut. Il est une présence constante et durable pour l’homme, il se renouvelle sans cesse, pousse toujours vers l’épanouissement total de sa présence au monde.

Arbres et personnage, Xu Beihong (1896-1953), Lavis d'encre sur papier, 108,2 x 108,4 cm, Musée national des Arts asiatiques Guimet, Paris.

Arbres et personnage, Xu Beihong (1896-1953), Lavis d’encre sur papier, 108,2 x 108,4 cm, Musée national des Arts asiatiques Guimet, Paris.

Le coeur encore chaviré par la tension dramatique des derniers évènements, je découvre sur l’excellent site L’Oeil de la photographie (1) cette très belle série de l’artiste brésilien Ayao Okamoto (2) et suis touchée par la simplicité profonde des mots de sa contextualisation  :

Ayako Okamoto

© Ayako Okamoto

« Cette série est née jour de la crémation du père d’un ami. Je suis sorti me promener dans les jardins du cimetière, au milieu des arbres et de la végétation, et j’ai essayé de comprendre la signification de ce moment-là, un corps serait calciné. Je cherchais quelque chose qui pourrait représenter visuellement la relation que j’ai ressenti. Trouvé dans les dessins, dans les textures, dans les mousses et en nous les différents arbres, de brèves significations. »

© Ayao Okamoto

© Ayao Okamoto

Ces mots, ces images réveillent le souvenir d’un éblouissant poème en prose de François Cheng (3) que je veux partager ici :

« La mort n’est point notre issue, car plus grand que nous est notre désir, lequel rejoint celui du commencement, désir de vie. La mort n’est point notre issue, mais elle rend unique tout d’ici, ces rosées qui ouvrent les fleurs du jour, ce coup de soleil qui sublime le paysage, cette fulgurance d’un regard croisé et la flamboyance d’un automne tardif ;

Ayao Okamoto8

© Ayao Okamoto

ce parfum qui nous assaille et qui passe, inssaisi ; ces murmures qui ressuscitent des mots natifs ; ces heures irradiées de viva, d’Alleluia ; ces heures envahies de silence, d’absence, cette soif qui jamais ne sera étanchée ; et la fin qui n’a pour terme que l’infini. Fidèle compagne, la mort nous contraint à creuser sans cesse en nous pour y loger songes et mémoire, à toujours creuser en nous le tunnel qui mène à l’aire libre.

© Ayao Okamoto

© Ayao Okamoto

Elle n’est point notre issue. Posant la limite, elle nous signifie l’extrême exigence de la vie, celle qui donne, élève, déborde et dépasse. »

Convaincue qu’il y a une issue non pas dans l’au-delà, mais dans cette vie même, je ne saurais mieux exprimer ce qui m’anime qu’en reprenant à mon compte les mots de Pascal Quignard(4). Comme lui j’«aime follement lire, étudier, traduire, retraduire, écrire.» Il n’y a pas de plus grande joie que de songer que « C’est ainsi qu’il y a un apprendre qui ne rencontre jamais le connaître – et qui est infini. Cet infini est ma vie. »


(1) L’Oeil de la photographie

(2) Ayao Okamoto

(3) François Cheng

(4) Sur l’image qui manque à nos jours, Conférence sur la peinture antique de Pascal Quignard, publiée aux éditions Arléa, pages 7 et 8.

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