C’EST MOI QUI SOULIGNE
Clin d’œil au merveilleux roman de Nina Berberova, et un titre qui parle de lui-même pour une nouvelle série. Je lis, je souligne…une phrase pour l’idée qu’elle porte et qui me transporte, parfois juste une expression pour sa pertinence, un mot pour son chatoiement.
Un aide-mémoire autant qu’un désir de partager mon enthousiasme pour un livre avec ceux qui me suivent. Et le plaisir d’accompagner ce florilège d’images qui me semblent seyantes.
« Écrire un texte sur Cézanne est une tâche ardue. De si nombreuses études, de si nombreux essais ont été consacrés à l’homme et à l’œuvre, qu’il est difficile de ne pas répéter ce qui a déjà été dit. (…) je vous entretiendrai (…) de l’aventure spirituelle de Cézanne. Et pour vous parler de cette aventure, il m’a paru intéressant de montrer qu’elle était assez semblable dans son essence, à celle qu’a vécue Shitao, un peintre chinois du dix-septième siècle».
Ainsi commence ce tout petit livre de Charles Juliet, «écrivain à l’œuvre intime et épurée, homme discret et éclectique, à l’écoute de l’être et attentif aux autres ».
C’EST MOI QUI SOULIGNE / SHITAO ET CÉZANNE
Extraits des pages 21 et 22
« Shitao a été longtemps moine. Éduqué et formé dans l’esprit du bouddhisme Chan, il a aussi reçu l’empreinte du taoïsme et du confucianisme. Comme tant de calligraphes et de peintres au cours des siècles en Chine, il n’a pu aborder la pratique du pinceau qu’à travers une expérience spirituelle.

Détail d’un rouleau horizontal, c.a. 1700, Shitao (1642–1707), encre et couleurs sur papier, 45.9 x 286.4 cm, New York, The Metropolitan museum
(…) « Il faut d’abord que la pensée étreigne l’Un pour que le cœur puisse créer et se trouver dans l’allégresse. Alors dans ces conditions, la peinture pourra pénétrer l’essence des choses jusqu’à l’impondérable. »

Bois,1890-1892, Paul Cézanne (1839-1906), huile sur toile, 72 × 92 cm,Washington (D.C.), Collection de la Maison blanche.
Cézanne ne cessait jamais de répéter : « Il faut travailler, il faut travailler. » On peut prolonger sa pensée en ajoutant : travailler sur la toile pour travailler en lui-même.
Pour être toujours plus libre, plus vaste, plus riche, mieux armé, mieux centré.
Pour vivre dans une croissante intimité avec lui-même. Pour s’approcher davantage de cet absolu continûment et douloureusement poursuivi. Pour vivre à la pointe de lui-même, et dans une tension extrême, capter et figurer l’infiniment subtil.

Untitled 2008, Tatiana Trouvé, Metal, rubber, 208 x 268 x 240 cm, unique.
« L’art est une religion, observait Cézanne. Son but est l’élévation de la pensée ».