Le dit de l’image,
comme une éphéméride du sensible,
une ou des images choisies ou créées
qui appellent des mots, ou l’inverse…

Pourquoi ce portrait ?
Parce qu’il incarne pour moi de multiples façons la nostalgie de la fin de l’été.
L’harmonie des couleurs complémentaires, trois tons de vert et différents rouges orangés, ce visage mélancolique au regard intérieur qu’éclaire à demi une lumière douce, la fenêtre que j’imagine haute derrière un pan de rideau à motif de pivoines, ces bras nus qui disent l’air encore tiède, ces épaules légèrement tombantes, ces mains comme des coquillages abandonnés sur la jupe aux tons de nacre rose, ce fin collier de corail orné d’une médaille où peut-être est gravé un autre visage, et toute cette attitude un peu détachée parlent de l’automne qui vient.
Au premier plan, se dresse un guéridon en bois de citronnier, comme un rempart qui protègerait la solitude d’Eleanor — ce prénom lui irait bien, ne trouvez-vous pas ? J’aime ce mot « gueridon » autant que l’objet qu’il désigne : une petite table, généralement ronde et à pied central unique de facture élégante en bois de palissandre, d’acajou ou de citronnier. Autant dire un petit meuble qui ne sert à rien. Sa présence dans une pièce m’enchante, il supporte le plus souvent de jolis objets, un livre ouvert, ici un cactus en pot qui rappelle la chaleur de l’été. Faut-il voir dans ce choix de l’artiste une métaphore épineuse de la mélancolie de son modèle ?
Ne pas avoir de réponse, et pouvoir poursuivre la rêverie, voilà qui est délicieux.