Correspondances, hommage au divin poème de Baudelaire, et désir de partager cette joie très particulière de l’instant où se dresse l’analogie, où surgit la symétrie. Le reflet d’une image que je découvre dans une autre dont je me souviens.
Au delà des résonances de formes et de couleurs, j’ai vu entre ces deux œuvres, si éloignées dans le temps et la technique, des correspondances peut-être en lien avec ma fascination pour la lisière entre abstraction et figuration.
La petite étude de plein-air réalisée par Paul Sérusier à Pont-Aven, en octobre 1888, « sous la direction de Gauguin », comme l’indique l’inscription manuscrite au revers du panneau, a été très vite élevée au rang d’icône.
Lorsque l’artiste, de retour à l’Académie Julian, présente aux Nabis (« prophètes » en hébreu) ce paysage « synthétique » aux couleurs pures et aux formes simplifiées, ceux-ci en font leur « talisman ».1

Ce dernier rejoint la collection de Maurice Denis, qui a contribué à en faire une œuvre fondatrice en livrant le récit de sa création dans un texte publié dans la revue L’Occident en 1903 :
« Comment voyez-vous cet arbre, avait dit Gauguin devant un coin du Bois d’Amour : il est vert. Mettez donc du vert, le plus beau vert de votre palette ; et cette ombre, plutôt bleue ? Ne craignez pas de la peindre aussi bleue que possible. »1

Pia Fries, une artiste suisse contemporaine, produit une peinture très soignée, qui traduit un sens aigu de la composition.
Ses œuvres témoignent de son attachement à la structure, (…) et de la délicatesse de son geste, ainsi que de l’attention qu’elle porte à la couleur et à la forme.
(…) Elle accorde une grande importance aux proportions et au rythme, de même qu’à l’harmonie et à la discordance entre les différents éléments.2


L’étude de Sérusier a été placée au centre d’une sorte de mythe d’origine qui en fixe l’interprétation : une « leçon de peinture » délivrée par Paul Gauguin inspirant au jeune peintre le manifeste d’un art qui remplace une approche mimétique par la recherche d’un « équivalent coloré ». C’est à l’aune de cette présentation que la postérité réinterprètera ce tableau comme l’annonce d’une nouvelle conception de la peinture : pure, autonome et abstraite.1
Les tableaux de Pia Fries sont conceptuels, mais n’entrent pas dans le cadre de l’art conceptuel ; ils sont abstraits, mais ne sont pas de l’art abstrait à proprement parler.
En effet, leurs motifs, qui s’axent sur la couleur, la composition et l’expressivité, sont tirés de contextes figuratifs.2
Ces deux œuvres présentent dans leur contenu plusieurs degrés de lecture et de multiples niveaux de référence.
1Extraits de Le « Talisman » de Sérusier, une prophétie de la couleur
2Pia Fries fait ses études à Lucerne et à Düsseldorf, …
Vève
Merci, chère Barbara, pour ce post passionnant et d’une immense richesse. J’irai lire les précédents de la série car ces associations entre œuvres ou entre arts me fascinent… Bravo!
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Barbara
Merci chère Vève, nous partageons donc le goût des correspondances… 🙂
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leorvb
Je suis d’accord c’est passionnant !
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Barbara
😊
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