Calendrier de l’avent 2023 / 24 visages #11


Du 1er au 24 décembre, chaque jour un visage .
Comme le soulignait Daniel Arasse, 
« le portrait est inévitablement une méditation sur le temps ».
Ce temps de l’avent — du latin adventus : avènement, arrivée du Messie — représente la période qui couvre les quelques semaines précédant Noël.
Que l’on soit croyant ou pas, c’est un moment particulier dans l’attente du solstice d’hiver où le mouvement repart en direction de la lumière.
Une lumière intérieure affleure dans les regards de ces 24 visages choisis dans l’histoire ancienne et contemporaine de la peinture et de la photographie, parce qu’ils m’ont émue, fascinée, captée.

Dame à l’hermine – portrait de Cecilia Gallerani (ca. 1473 – 1536), vers 1490, Léonard de Vinci ( 1452-1519), huile et détrempe sur bois de noyer, 39,3 x 53,4 cm, Pologne, musée national de Cracovie

En 1482, Léonard de Vinci s’est installé à la cour du duc de Milan, Ludovic Sforza. Peu de temps après, il en est devenu le peintre officiel et a été chargé de réaliser un portrait de la maîtresse du duc, alors âgée de 17 ans. Cette commande a donné le jour à l’un des portraits les plus fascinants de l’art d’Europe occidentale : La dame à l’hermine.  

La jeune femme représentée dans le tableau, Cecilia Gallerani, est entrée pour la première fois au service du duc en tant que dame d’honneur, mais est rapidement devenue l’une de ses favorites grâce à sa vivacité d’esprit, à son éducation et à sa beauté.
Passionnée de littérature, Cecilia Gallerani écrivait des vers en latin et en italien. Souvent qualifiée de « grande lumière de la langue italienne », de muse et de femme érudite, elle était parfois comparée à la poétesse grecque de l’Antiquité, Sappho.

Dame à l’hermine – portrait de Cecilia Gallerani (ca. 1473 – 1536), détail, vers 1490, Léonard de Vinci ( 1452-1519), huile et détrempe sur bois de noyer, 39,3 x 53,4 cm, Pologne, musée national de Cracovie

En 1491, après dix ans de fiançailles, Ludovic Sforza a épousé Béatrice d’Este. Toutefois, en mai de la même année, Cecilia Gallerani a donné naissance au fils du duc, prénommé Cesare. Elle a ensuite épousé le comte Lodovico Carminati de Brambilla, dit Ludovico Bergamino.

Cecilia Gallerani vivait au palais Carmagnola, à Milan, que Ludovic Sforza avait offert en cadeau à son fils Cesare. Elle a gardé le portrait peint par Léonard de Vinci dans sa chambre jusqu’à sa mort en 1536.

Le portrait La dame à l’hermine est une allégorie de l’amour et de l’attachement. Cecilia Gallerani y est dépeinte comme un idéal de beauté. Mais pourquoi tient-elle une hermine, animal peu commun, dans son pelage d’hiver ?
Décoré chevalier de l’Ordre de l’hermine en 1488 par le roi de Naples, Ludovic Sforza avait hérité du surnom d’hermine blanche.
Le début du nom de famille de Cecilia se prononce « galé », qui signifie « belette » ou « hermine » en grec. L’animal que la dame tient dans ses bras pourrait donc représenter les deux amants.

De Vinci nous offre ici une hermine hors normes […], la taille [normale] de ce mustélidé oscillant entre 20 et 30 cm. Sur l’œuvre, l’animal en question avoisine les 50 cm. Alors pourquoi l’homme ingénieux et soucieux du détail qu’est Léonard de Vinci a-t-il représenté cet animal [avec] ces mensurations ?
Ici, la mission de l’artiste était très probablement de représenter le duc de Milan, en raison de son appartenance à l’ordre de l’Hermine. Mais une hermine, bien que courageuse comme la devise de l’ordre, n’en reste pas moins un petit animal loin de paraître puissant. C’est pour cela que Léonard de Vinci a pris la liberté de gonfler les proportions. […] On appelle cela une licence artistique.

Dame à l’hermine – portrait de Cecilia Gallerani (ca. 1473 – 1536), détail, vers 1490, Léonard de Vinci ( 1452-1519), huile et détrempe sur bois de noyer, 39,3 x 53,4 cm, Pologne, musée national de Cracovie


« Libéré de son cadre, le sujet de la peinture, qui semble rêveur et qui regarde au-delà du champ de vision, n’est pas figé dans un profil de face ou de trois quarts comme il était de coutume à l’époque, mais semble prendre vie », écrit l’historien de l’art Marek Rostworowski.
En peignant La dame à l’hermine, Léonard de Vinci a créé le premier portrait moderne de l’histoire de l’art, faisant fi des traditions de l’époque. Avant ce tableau, les femmes étaient peintes comme des objets. D’un artiste à un autre, les postures étaient identiques : de face, le regard vide ou de profil, avec un regard hors de portée.
Avec La Dame à l’hermine, la femme reprend la place qui lui est due. Le sourire léger, le regard attiré par un élément extérieur, une prestance évidente et pourtant innovante pour l’époque. La femme peinte est enfin humanisée et bien vivante.

Cecilia s’en va, Série fragments d’elles © Barbara Sabaté Montoriol 2022, Collage numérique, digital collage,Tirage pigmentaire sur papier Baryté satin, formats 18×20 cm – Édition de 7 + 2 EA


Dans l’un des collages de ma série fragments d’elles, j’ai imaginé Cecilia prenant le transatlantique pour tenter sa chance dans le nouveau monde et oublier l’abandon de Ludovic…
Dans cette série, mon ambition est, qu’en quittant le tableau original pour entrer dans un champ esthétique autre, « mes » femmes soient vues différemment, qu’elles acquièrent une vie propre ou peut-être la retrouvent (au sens de retrouver sa liberté), qu’elles partent en voyage et libèrent l’imaginaire du regardeur comme on ouvre une fenêtre sur un autre monde et qu’elles deviennent les héroïnes d’une histoire à écrire.


Sources : Extraits des textes de Katarzyna Bik sur le site Google Arts & culture et de Guillaume Baillet sur celui de Celles qui osent. https://www.instagram.com/cellesquiosent

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