La Donna velata, du «gracieux Raphaël Sanzio d’Urbin», comme le présentait déjà son contemporain et historien d’art Giorgio Vasari, est souvent considéré comme l’un de ses plus beaux portraits, et assurément son plus beau portrait de femme.
Raphaël a longtemps été estimé comme le plus grand peintre qui ait jamais existé, et on le tient toujours pour l’artiste en qui la peinture aurait trouvé son expression achevée.
Ce mythe de Raphaël apparaît du vivant de l’artiste, et sa mort précoce lui donne une singulière ampleur.

Raphaël (Urbino 1483-Rome 1520), Portrait de femme, dit La Donna velata, vers 1512-1518, huile sur toile, 82 x 60,4 cm, Palazzo Pitti, Gelleria Palatina, Florence
J’ai eu la chance de l’admirer longuement au Louvre lors de l’exposition Raphaël, les dernières années, en 2012.
L’émotion que suscite ce portrait semble résonner avec celle de son auteur.
C’est la représentation d’une femme aimée.
L’identité de la jeune-femme reste incertaine. La Donna velata -la femme portant un voile- n’est qu’un surnom. Dans ses Vies des Artistes, Vasari ne révèle pas le nom du modèle mais, précise-t-il, il s’agit de la femme que Raphaël « aima jusqu’à la mort », et il y voit à la fois un portrait et un souvenir intime. L’explication la plus communément admise est qu’il s’agirait de Marguerita Luti, fille d’un boulanger de Sienne, qui, semble-t-il, entra au couvent après la mort de Raphaël et mourut elle même peu de temps après.
L’attitude légèrement désaxée du corps et du visage, avec la main droite posée sous la poitrine en signe d’amour ; le voile englobant l’amante tel un cocon de tendresse, forme une alcôve dans laquelle l’air circule, et qui souligne la douce rotondité du cou.
Suivant le collier de pierres mates cerclées d’or, le regard est invité à se glisser vers une intimité exquise.
Les couleurs de ce portrait lumineux sont choisies avec parcimonie.
Dans une tonalité claire, Raphaël passe, selon l’historien de l’art Adolfo Venturi, du «blanc éburnéen des voiles» au «gris argenté des manches» avivées par la doublure en satin jaune. Ressortissent encore dans ce camée de nuances crème et beige rosé, les bruns et les rouges du collier,des lèvres et de l’énigmatique rubis dans la chevelure.
Une observation attentive révèle le pinceau amoureux de Raphaël qui laisse s’échapper une très fine mèche de cheveux ondulant jusqu’au creux d’une oreille coquillage, comme en écho au bouillonnement de l’étoffe précieuse de sa manche.