Le modèle du tableau, Louis-François Bertin, est âgé de 66 ans lorsque Ingres peint son portrait en 1832.
L’homme qui passe commande au peintre est un patron de presse important au sommet de sa carrière. D’une feuille de tirage modeste acquise en 1799, Le Journal des Débats, il a fait l’un des principaux périodiques de son temps, consacré essentiellement aux questions politiques, mais aussi à l’actualité artistique.
Bertin est un homme d’influence, dans une France où triomphe la nouvelle bourgeoisie d’affaire dont son journal défend les idées et les intérêts. Mais il est aussi un homme d’action et de conviction affirmée qui joue un rôle central dans la vie politique de son époque.

Portrait de Louis-François Bertin, dit Bertin l’ainé (1766-1841), fondateur du journal des Débats, Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867), Huile sur toile, 116 X 95 cm, Musée du Louvre, Paris.
Ingres peint Bertin assis dans un fauteuil, le regard fixé sur le spectateur, jambes et coudes écartés, mains solidement appuyées sur les genoux. Attitude qui souligne l’aplomb du grand bourgeois et l’autorité de l’homme de pouvoir. Son aisance financière transparaît dans l’opulent costume et la montre en or représentés par le peintre avec une minutie virtuose.
La pose de Monsieur Bertin n’est pas figée. Son corps, plutôt que de s’appuyer au dossier du fauteuil, se tient légèrement vers l’avant, dans une position énergique. La vitalité, sensible dans la position, se manifeste aussi dans le costume. L’élégant vêtement contient le corps à grand peine : le gilet plisse, le pantalon bouchonne, la redingote se froisse. Le désordre de la chevelure blanche accentue encore l’ardeur du personnage.
Son expression elle-même est pleine de vivacité : Monsieur Bertin observe, scrute, toise. Le visage est d’autant plus vivant qu’il est asymétrique et oppose deux moitiés très différentes : la partie droite, où l’œil est fixe et la commissure des lèvres tombante, joue en opposition dynamique avec celle de gauche qui, le sourcil haussé, semble esquisser un sourire.
L’ocre nu du fond concentre l’attention sur le personnage. Dans le rectangle bronze de la toile, Bertin est un triangle noir, lourd et imposant, une masse sombre d’où n’émergent que la tête et les mains, soulignées par le blanc éclatant du col.
La lumière, coulant de la gauche du tableau, crée un reflet dans l’acajou du fauteuil, éclaire tout particulièrement le visage et les mains, précisant leurs traits.
On ne peut qu’être fasciné par les mains démesurées, aux larges doigts écartés, qui paraissent des pieuvres animées d’une vie propre.
Le visage, point focal du tableau, est décrit sans fard : la lumière souligne les traits vieillissants, le double menton, et jusqu’à la verrue au coin de l’œil droit – sans que le réalisme féroce du trait n’enlève rien à l’incroyable force du regard, complexe mélange d’assurance, d’étonnement et d’ironie.
En haut à gauche du tableau, le peintre signe son portrait, J. INGRES PINXIT – Ingres a peint– à la manière de Raphaël auquel il vouait une admiration sans limite. On ne peut s’empêcher de penser au Baldassare Castiglione de Raphaël, portrait qui se détache sur un même fond sable et qu’Ingres a pu admirer au Louvre.
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Cassandre Montoriol
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