Il y a une impérieuse urgence à se précipiter vers les cimaises du chaleureux atelier-galerie de Magali Nourissat où vous pourrez contempler les encres au noir profond sur papiers de Dominique Busk Bonnecarrère (1) !
Avec une sensibilité frémissante, l’artiste fait naître herbes, montagnes et forêts d’encre de Chine dans les plis d’albums qui s’étirent en accordéon
et déploie des arbres à l’encre japonaise, au noir plus intense encore, sur des kakémonos légers.
Je regarde ces arbres et songe aux propos de François Cheng (2) : « Dans la nature vivante, l’arbre est le seul être, comme l’homme, qui se tient debout et qui se dresse vers le haut. Il est constant et durable, se renouvelant sans cesse, et sans cesse tendu vers la plénitude de sa présence au monde.»
On ne peut s’élever sans être enraciné. La beauté de ces œuvres rappelle l’importance de la verticalité, celle d’apprendre à se redresser, à se tenir droit. Comme le dit encore François Cheng, c’est une force qui appartient à l’humain et nous devons prendre conscience de cette énergie intérieure.
Sur le même format mais dans un traitement différent, Dominique Busk Bonnecarrère nous entraîne dans ses « Sous-bois d’enfance », impénétrable ombre d’encre où l’on aperçoit la lumière blanche du papier de riz comme un espoir qui s’allume dans un cœur confiant.
«En vérité ces lieux conviennent au cri des insectes, au chant des oiseaux, aux nuits de lune aussi ; c’est l’endroit le mieux fait pour goûter la poignante mélancolie des choses en chacune des quatre saisons….» , ce beau passage de L’Éloge de l’ombre de Junichirô Tanazaki, cité sur le site de l’artiste, accompagne à merveille ses entomologies d’encre noire épinglées dans leur boîtes rectangulaires :
Un beau sceau oblong en sigillaire chinoise à l’encre vermillon qui dessine opportunément la silhouette d’un arbre, parfait les œuvres.
On sent que l’Asie n’est pas l’unique source de son inspiration. Tout autant la belle nature autour du vieux mas cévenol près du mont Lozère où Dominique Busk Bonnecarrère vit et travaille.
L’artiste, visage très doux et franc sourire, raconte avec simplicité sa passion des papiers japonais, coréens et vietnamiens qu’elle rapporte de ses voyages en Asie ; évoque l’enseignement du sumi-e ( peinture à l’encre en japonais) qu’elle suit dans l’atelier de Pascal Thouvenin (3) à Nîmes.
C’est tout simplement beau, une respiration paisible et poétique qui invite à goûter l’instant.
« Je parle avec ma main
tu écoutes avec tes yeux ;
et nous nous comprenons
n’est-ce pas, en un seul sourire.»
Zhū Dā 朱耷, peintre et calligraphe chinois (1625-1705)
Notes
(1) Site de Dominique Busk Bonnecarrère
(2) Entretiens de François Cheng avec Françoise Siri sur France culture, aussi publiés aux Éditions Albin Michel en 2015, citation p. 62
Pithois
J’aime ton texte !
Bise.
Jérôme P
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