Résonances#4

Résonance, subst. fém., au sens figuré, ce qui fait vibrer l’esprit ou le cœur.    

Shooting photo avec une artiste amie, saisie d’une attitude gracieuse dans un moment de partage créatif, dense et concentré. C’est plus tard, à l’examen des épreuves, que surgit cette image, la grâce du geste, du portrait de dos.

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Portrait d’une artiste, by Barbara, Paris, décembre 2016

Cette nuque offerte soulignée par la main qui l’agrippe, ce mystère du visage caché révélant l’attente sans dévoiler la nature profonde de l’esprit qui l’anime sont une question sans réponse qui appelle la douce mélancolie de la peinture de Vilhelm Hammershøi.

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Hvile dit aussi Repos, Vilhelm Hammershoi (1864-1916), 1905, Huile sur toile 46,5 x 49,5 cm, détail, Musée d’Orsay, Paris

Je parcours la notice du Musée d’Orsay¹ où la toile est conservée, intéressante et subjective comme l’est toujours le commentaire d’une œuvre par un historien de l’art et regrette de ne pouvoir en connaître l’auteur. Est-ce un conservateur éclairé ou un étudiant de master 2 zélé  – ce qui n’implique pas une moindre qualité d’analyse ?

J’y apprends qu’Hammershøi, «descendant de Vermeer ou précurseur de Hopper (…) peintre danois dont la notoriété s’affirme dans les années 1880, est sans doute l’un et l’autre ; qu’il a « inventé le portrait de dos, comme il existait un portrait de face ou de profil.»  Que dans celui-ci «on ne saurait (…) même deviner ce qu’elle est en train de faire (…) ; qu’à ce «personnage silencieux correspond une gamme très raffinée de gris et de bruns, qui montre la sensibilité profonde du peintre aux atmosphères intérieures.»

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Hvile dit aussi Repos, Vilhelm Hammershoi (1864-1916), 1905, Huile sur toile 46,5 x 49,5 cm, Musée d’Orsay, Paris

J’y lis surtout avec délectation « qu’il ne faut pas en conclure trop rapidement que cette toile est une allégorie de la solitude ou du tragique humain. Car le vrai sujet en est peut-être la nuque, partie du corps la plus indécente dans l’imaginaire oriental. Aussi bien ces rares mèches folles, l’ouverture de la blouse laissant apercevoir la blancheur du dos, en contrepoint de la coupe en forme de fleur posée sur le meuble, constituent-ils les antidotes radicaux à la tentation d’une lecture platement puritaine.»

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Intérieur avec une jeune-femme vue de dos, Vilhelm Hammershoi, vers 1903-1904, huile sur toile, 50,5 x 61 cm, Randers Kunstmuseum

Et je ne me lasse pas de lire et de relire dans le délicieux ouvrage de Philippe Delerm sur la peinture d’Hammershøi² « la nuque un peu penchée, si pâle, dégagée de la robe sombre. le corps étouffé dans le silence de l’étoffe, le poids des heures incertaines (…).»

« Et puis cette nuque un peu penchée… Froide ou chaude ? C’est dans l’incertitude que la sensualité progresse, en silence, en secret. Nuque offerte ou préservée ?»

La main qui cache à demi celle de mon modèle préserve la magie de cette incertitude.


¹Notice complète de l’œuvre sur le site du Musée d’Orsay
² Philippe Delerm, Intérieur / Vilhelm Hammershøi/ Les Flohic, éditeurs
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