C’est moi qui souligne#1.1

C’EST MOI QUI SOULIGNE
Clin d’œil au merveilleux roman de Nina Berberova, et un titre qui parle de lui-même pour une nouvelle série.
Je lis, je souligne…une phrase pour l’idée qu’elle porte et qui me transporte, parfois juste une expression pour sa pertinence, un mot pour son chatoiement.
Un aide-mémoire autant qu’un désir de partager mon enthousiasme pour un livre avec ceux qui me suivent. Et le plaisir d’accompagner ce florilège d’images qui me semblent seyantes.


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Lecture de Signaux sensibles,
Entretien à propos des arts, de Jean-Luc Nancy
et Jérôme Lèbre. Portrait en creux de Jean-Luc Nancy, un philosophe qui me guide et nourrit mes questionnements sur l’art et le monde et la manière d’en formuler la pensée.
Un dialogue avec Jérôme Lèbre, professeur de philosophie.


C’EST MOI QUI SOULIGNE / SIGNAUX SENSIBLES
/ chapitre II : Exposition – l’art, le corps, la communauté, le monde (pages 61 à 105)

«  (…) notre présence au monde est tout entière « expeausition » : présence d’un « corps esthétique » qui s’étend et sent son extension en contact avec un autre, dans un toucher qui est « proximité du distant » et « approximation de l’intime ».»

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Portrait présumé de Gabrielle d’Estrées et de sa soeur la duchesse de Villars, vers 1594, École de Fontainebleau, fin du XVIe siècle, 125 x 96 cm, Paris, musée du Louvre

« La peau ne recouvre pas, elle forme, elle façonne, expose et anime cet ensemble incroyablement complexe et enchevêtré, labyrinthique qu’est l’ensemble des organes, muscles, vaisseaux, nerfs, os, liqueurs qui n’est en fin de compte un tel « ensemble », une telle machinerie que pour aller se mettre en forme dans, par et comme cette peau, avec quelques variations et ou suppléments, muqueuses, ongles, poils, et cette variation notable qu’est la cornée de l’oeil, avec aussi ses ouvertures – au nombre de neuf – qui ne sont pas des « entrées » ou des « sorties », encore moins des failles ou des fissures mais au contraire la manière dont la peau s’évase ou s’invagine, se retrousse et s’épanche ou s’exprime selon divers rapports avec le dehors. »

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Zuoxiao Zuzhou

«  De la peau à la peau se joue l’âme, la puissance sensitive, tant active que passive, qui se porte vers les choses et reçoit leurs présences, leurs avances, leurs dérobades, menaces, invites, fuites. »

«  (…) on ne saurait trop insister sur ce qu’il faut bien appeler la symbiose d’un corps avec le dehors qui n’est que la continuité des autres corps (…) »

«  Cette symbiose est la vie de l’âme, et la vie de l’âme est la forme que prend cette communication et compénétration polymorphe, polytonale, et polygonale entre un corps sensible et les autres (…). »

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Black River, 2009, El Anatsui (ghanéen né en 1944, actif au Nigéria), 355,6 x 266,7 cm, Aluminium, capsules de bouteilles et fil de cuivre, Boston, Museum of Fine Arts

«  Corps inspiré, oui j’y insiste. Peau soufflée, insufflée, soulevée et portée en avant, au devant de contacts inédits, de touches colorées ou agitées, d’accents, de timbres… »

«  Comprenez comme ça se sent. Sentez comme ça se comprend. J’ai dit « comprendre », pas « savoir ». Nous ne savons pas mais nous comprenons, nous prenons avec. »

« (…) le sensible tient aux différences, il se joue en elles, par elles, mieux il est leur jeu et ce jeu est aussi celui de notre rapport au monde et à nous-mêmes en lui et par lui. »

 

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Coupe attique à figures rouges, signée par Douris, peintre, vers 490-480 avant J.-C., diam. 26,8 cm, détail, Paris, musée du Louvre

« Il n’est pas contestable que les temples grecs, les villes romaines, les cathédrales byzantines, romanes ou gothiques, les peintures, les musiques, les poèmes de tous les styles et de toutes les obédiences politiques, philosophiques et religieuses témoignent, dans l’aire de civilisation européenne au sens le plus large, d’un monde qui s’est formé au sens le plus fort du terme. Tout comme se sont formés d’autres mondes, chinois, maya, inuit, yoruba, dogon, etc. Il ne faut pourtant pas se représenter les peuples grecs (d’ailleurs en quel sens de « peuples » ?) s’enthousiasmant tout uniment dans l’admiration de leurs sculpteurs et dans la récitation de leurs grands tragiques, pas plus que les populations européennes communiant dans la foi que leurs cathédrales tendaient vers le ciel. Ces sociétés n’ignoraient ni les clivages, ni les conflits, ni les révoltes, fût-ce sur des modes différents des nôtres. »

 

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Portrait de Joan Miro, vers 1930, Alexander Calder (1898-1976), fil d’acier, 29 x 27 cm, Palma de Majorque, Collection de M. Joan Punyet Miro

« (…) « se dire » n’a vraiment lieu que dans une forme qui se crée pour le faire. Fût-ce, en asymptote, la forme même d’une existence. Le motif de « la vie comme un art » est ancien – non pas un « art de vivre »  qui peut aussi bien en former le contraire qu’il peut aussi en figurer un aspect – mais  il est peut-être encore devant nous. Nietzsche fait dire à la vie : « je suis ce qui doit toujours se surmonter soi-même ». »

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Peinture habitée, 1975, Helena Almeida (née en 1934)

« (…) nous ne sommes pas seuls à être au monde. Tous les étants sont les uns aux autres. (On peut ajouter : être c’est être à. Irving Goh nomme cela « L’existence prépositionnelle » .)

« L’art n’est rien d’autre que la mise en évidence de cet  être au monde illimité.
Plus exactement : une oeuvre ou un geste d’art forme une représentation finie de cet infini. »

« Nous savons qu’il peut y avoir une forme finie qui présente l’infini en acte. Et que c’est aux hommes de la former. »

 

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