Le dit de l’image : un jour, une œuvre, un mot.
Comme une éphéméride du sensible,
une image quotidienne assortie d’un mot, d’une phrase…ou pas.

Scuola Grande di San Rocco, Le miracle de l’esclave, Le Tintoret (1518-1594), huile sur toile , 541 x 415 cm, Venise Galleria dell’ Accademia
« Tintoret est le roi des violents. il a une fougue de composition, une furie de brosse, une audace de raccourcis incroyables, et le saint Marc peut passer pour une de ses toiles les plus hardies et les plus féroces. Ce tableau a pour sujet le saint patron de Venise venant à l’aide d’un pauvre esclave qu’un maître barbare faisait tourmenter et géhenner à cause de l’obstinée dévotion que ce pauvre diable avait à ce saint. L’esclave est étendu à terre sur une croix entourée de bourreaux affairés, qui font de vains efforts pour l’attacher au bois infâme. Les clous rebroussent, les maillets se rompent, les haches volent en éclats ; plus miséricordieux que les hommes, les instruments de supplice s’émoussent aux mains des tortionnaires : les curieux se regardent et chuchotent étonnés, le juge se penche du haut du tribunal pour voir pourquoi on n’exécute pas ses ordres, tandis que saint Marc, dans un des raccourcis les plus violemment strapassés que la peinture ait jamais risqués, pique une tête du ciel et fait un plongeon sur la terre, sans nuages, sans ailes, sans chérubins, sans aucun des moyens aérostatiques employés ordinairement dans les tableaux de sainteté, et vient délivrer celui qui a eu foi en lui. »
Théophile Gautier (1811-1872), Voyage en Italie, 1855
On peut retrouver les œuvres du Tintoret dans l’exposition qui commence demain au musée du Luxembourg ;
et écouter « L’Art est la matière » par Jean de Loisy sur France-culture