Le détail de l’agneau figure dans L’adoration des bergers, une œuvre de Francisco de Zurbarán (1598-1664), peinte vers 1638, une huile sur toile de grande dimension (266 cm x 185 cm). Ce tableau est exposé au musée de Grenoble.
À l’avant du tableau, en bas, Francisco de Zurbarán a disposé les offrandes modestes des bergers : un panier d’œufs (symbole de vie), un pot et un agneau prêt au sacrifice. L’agneau a les pattes liées, un écho aux mots du prophète Isaïe : « Comme un agneau conduit à l’abattoir » (Tanquam agnus ad occisionem ductus est, Is 53, 7). L’agneau est, dans tout le bassin méditerranéen, l’animal du sacrifice. On peut voir ici le symbole du sacrifice du Christ, Messie immolé, « l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » selon les termes de Jean Baptiste (Jn 1, 29-34).

Comme l’écrit Ignacio Cano Rivero, Francisco de Zurbarán est l’un des peintres les plus remarquables du panthéon baroque espagnol, et assurément l’une de ses personnalités les plus authentiques. Même s’il n’a pas bénéficié de la fortune artistique qui a entouré la figure de Vélasquez ou de Murillo, cet enfant d’Estrémadure a exprimé sous une forme aussi personnelle que directe l’esprit de la société espagnole de la première moitié du XVIIe siècle, sa culture de la symbolique visuelle, sa profonde religiosité et le rôle de la peinture comme moyen de transcender le réel pour devenir un instrument de connaissance et d’émotivité. (1)
Agnès Ribaud du Musée de Grenoble, où se trouve L’adoration des bergers, explique que Zurbarán représente ici en un même tableau la Nativité et l’adoration des bergers; il s’agit, en effet, de mettre en évidence la proximité du monde surnaturel et du monde naturel, de le rendre très familier aux croyants même les plus humbles. (2)
Philippe Dagen souligne par ces mots les qualités picturales et sensibles du maître espagnol de l’art sacré : La lumière noire qui émane des fonds glisse sur les étoffes et les peaux. Il ne se lasse pas d’observer et d’imiter (…) les moires des velours, la texture des pétales, la laine de l’agneau immaculé. (3)

Zurbarán a également représenté un agneau aux pattes liées, occupant tout le tableau, à plusieurs reprises.
Dans la version du Prado, ses cornes dorées semblent retomber, comme ses oreilles, discrets signes de désolation qu’un regard voilé et lointain vient confirmer, souligne Sylvie Bethmont.(4).

Dans celle de San Diego, La toison finement bouclée attire la main, l’auréole – une fine ligne dorée au-dessus de sa tête – rappelle qu’il symbolise la passion du Christ, note Phippe Dagen.
Et d’ajouter au portrait du grand peintre espagnol : On le tient d’ordinaire pour un mystique. Peut-être l’était-il en effet, mais c’était dans ce cas d’un mysticisme plus voluptueux qu’ascétique. (3)
(1) Ignacio Cano Rivero, diplômé en histoire de l’art de l’Université de Séville.
Éd. Mercator, 2014.
(2) Texte d’Agnès Ribaud du Musée de Grenoble où se trouve L’Adoration des bergers.
(3) Propos de Philippe Dagen dans un article du journal Le Monde du 09 mai 2014.
(4) [Décryptage] Doux et humble agneau divin, Sylvie Bethmont, publié le 22 nov. 2017 sur Narthex.fr