Une tradition détournée, une petite étude de la représentation des attitudes des mains des femmes par les artistes.
Une série d’ex-voto de gestes, de ces mains féminines touchantes et touchées.

Les mains sans corps qui, dans les contes merveilleux de mon enfance, sortaient des murs tenant un flambeau, évoluaient dans l’air avec grâce pour servir une tasse de thé, ouvrir une porte ou passer une robe n’ont cessé de nourrir mon imaginaire.

Les mains d’une manière générale, et les mains féminines en particulier, représentées pour elles-mêmes, en peinture, en photographie ou en sculpture, sont souvent des études en vue d’une œuvre en préparation.
Elles n’en restent pas moins un sujet de fascination mâtiné d’une délicieuse et inquiétante étrangeté.

La Cathédrale d’Auguste Rodin réunit en une même œuvre deux mains droites, appartenant à deux figures distinctes. L’espace intérieur de la composition exprime une correspondance avec l’architecture gothique. Le vide est une donnée qui compte pour Rodin, et comme le souligne Rainer Maria Rilke dans ses Lettres à Rodin : «La participation de l’air avait toujours été d’une grande importance» pour lui.

Dans ses peintures — que l’on peut voir à la Biennale de Lyon cette année —, l’artiste américaine Jesse Mockrin redéploie des sujets et des symboles qui sont récurrents dans les peintures figuratives historiques des maîtres européens, déplaçant l’axe narratif principal pour lui substituer un questionnement sur l’autonomie des corps ou la fluidité de genre.
En l’absence de leurs contextes narratifs originaux, les figures de Jesse Mockrin se tordent et se contorsionnent de manière équivoque selon les manipulations de forces invisibles hors du cadre.

Paris, Centre Pompidou
Modèle de réussite d’une femme photographe, Laure Albin-Guillot a joué un rôle de passeur entre deux générations artistiques : celle des pictorialistes, mouvement artistique qui veut rapprocher la photographie de la peinture, et, dès les années 1920, celle de la Nouvelle Vision, groupe de photographes tournés vers la modernité.
Comme nombre de photographes de l’entre-deux-guerres, elle mène de front une activité commerciale rentable et une activité créatrice intense.
En 1928, elle participe au premier Salon des indépendants de la photographie, dit « Salon de l’escalier », aux côtés, notamment, d’André Kertész. Cette manifestation, qui marque la reconnaissance de la Nouvelle Vision et se présente comme l’héritière d’Eugène Atget et de Nadar, fait la part belle aux artistes cosmopolites et aux femmes.
Dans les années 1930, la photographe appartient donc pleinement au mouvement de la Nouvelle Vision aux côtés de Germaine Krull ou de Florence Henri.

Ces mains dessinées par Léonard de Vinci sont intrigantes.
Il y a en fait trois mains. La main supérieure qui semble tenir un brin ou un voile entre le pouce et l’index, et la main du bas qui soutient l’avant bras d’une « main fantôme », à peine esquissée.
On ne sait pas s’il s’agissait simplement d’une étude de mains féminines ou d’une esquisse préparatoire à un portrait. Bien que la position de la mains ne soit pas la même, certains historiens de l’art soulignent que ces mains féminines partagent les mêmes traits élancés que celle de la Dame à l’hermine.

Le titre exact de cette photographie de Dora Maar est Étude de mains (Autoportrait).
Ces deux mains posées sont celles d’une artiste accomplie, d’une intellectuelle libre et indépendante, bien loin du modèle auquel sa relation intime avec Pablo Picasso la limite trop souvent.
À l’instar de ses consœurs Laure Albin Guillot, Nora Dumas ou encore Germaine Krull, actives comme elle dans l’entre-deux-guerres, Dora Maar appartient à cette génération de femmes qui s’émancipent professionnellement et socialement au travers du métier de photographe, alors en plein renouvellement avec le développement de la presse illustrée et de la publicité.
Dora Maar est une artiste aux diverses facettes, entre photographie et peinture, entre révolte surréaliste de jeunesse et introspection existentielle marquant son parcours de peintre après la Seconde Guerre mondiale.

Le langage du corps, celui des mains en particulier développe une puissance évocatrice parfois saisissante comme dans cette étude de Sir George Clausen, peintre et graveur britannique, membre de la Royal Academy, qui devient, en 1915, un artiste de guerre* pour représenter les horreurs du conflit à travers ses œuvres.
*Un artiste de guerre est un artiste mandaté par un gouvernement ou une publication, ou pour son propre compte, pour documenter son expérience de première main de la guerre sous la forme d’un dossier illustratif ou d’une représentation de la façon dont la guerre façonne la vie.