La douce Vierge agenouillée a été peinte vers 1495-1505 par Piero di Cosimo (1462 – 1522). Une huile sur toile de 145,7 cm de diamètre, conservée à Washington, à la National Gallery of Art.

Comme pour l’œuvre précédente, on a affaire ici à un objet de dévotion probablement destiné à un usage privé. Dans ce tondo, en effet, la figure de Jean-Baptiste enfant, précurseur et premier fidèle du Christ (derrière l’enfant Jésus) et d’un ange « descendu » sur terre, agenouillé à côté de Marie — pendant que Joseph, en haut de l’escalier, et l’âne et le bœuf dans une prairie sont relégués au second plan — sont caractéristiques d’une métamorphose de la Nativité en Adoration.
La forme particulière de cette œuvre, ce tondo1 — un mot italien signifiant « forme ronde » et désignant un tableau de forme circulaire, généralement constitué par un panneau de bois entouré d’un cadre d’assez large dimension qui évoque les guirlandes « à l’antique » entourant la même forme circulaire en sculpture — était très en vogue au XVe siècle en Italie, et en particulier à Florence. Elle était aussi une spécialité de Piero di Cosimo (1462-1522).
On sait peu de choses de la vie de ce peintre florentin.
Fils de l’outilleur Lorenzo di Piero d’Antonio, il adopte le nom de l’artiste Cosimo Rosselli dans l’atelier duquel il travaille comme apprenti ou aide dès1480. Il collabore avec Rosselli et peint des portraits — notamment le fascinant portrait de Simonetta Vespucci2, que l’on peut admirer à Chantilly au musée Condé. Il est influencé par Léonard de Vinci et Fra Filippo Lippi.
Parmi ses élèves, on retrouve Fra Bartolommeo, Jacopo Pontormo.
L’historien du XVIe siècle Giorgio Vasari décrit dans ses Vies un maître épris de solitude, fuyant les hommes et la lumière trop vive, (…), travaillant dans le secret de son atelier, indifférent aux récriminations de ses commanditaires.
« Dans tout ce qu’il a fait, on retrouve son esprit curieux et original; sa propre subtilité a su saisir les subtilités les plus aiguës de la nature. (…). » – Giorgio Vasari, 1568
Après avoir travaillé avec son maître Rosselli aux fresques de la chapelle Sixtine, en 1481-1482, Piero di Cosimo travaille à son compte à partir de 1489-1490. En 1504, il se joint à la guilde des peintres de Florence. Di Cosimo fait preuve d’une imagination fertile et d’une observation aiguë de la nature dans ses sujets mythologiques. Il ravit et étonne les Florentins avec ses inventions picturales.
On peut observer l’originalité de Piero di Cosimo dans ces détails symboliques peints avec virtuosité comme l’oreiller de blé soutenant la tête de l’enfant, qui évoque l’Eucharistie3 ; ou encore la rose et la colombe qui sont des symboles de la Vierge Marie.
Dans l’art sacré, les symboles revêtent souvent plusieurs significations. La tradition chrétienne voit dans la rose avec ses épines l’image du tourment des martyrs. Sa présence peut se lire comme une allusion à la couronne d’épines du Christ sur la croix. Elle est aussi plus généralement associée à la Vierge Marie. En effet, selon une légende, la rose n’a pas d’épine avant la chute de l’homme, et la Vierge est appelée « rose sans épines » parce qu’elle n’a pas été atteinte par le péché originel.
Quand à la colombe qui, dans l’Ancien Testament, annonce à Noé la fin du déluge en lui rapportant un rameau d’olivier, elle incarne aussi l’esprit saint et elle est devenue un symbole de la Vierge Marie.
1/ Avec le tondo, la Renaissance reprend à son compte un type antique qu’elle redécouvre parmi les plus vieux monuments romains, qu’il s’agisse de l’oculus ou du clipeus des sarcophages païens et paléo-chrétiens ou encore des portraits des stèles funéraires. Dans la peinture romaine, les exemples de portraits ou de représentations mythologiques sous forme circulaire abondent (mosaïques, peintures sur verre, etc.). Dans l’art byzantin, la figure en clipeus, parfois insérée comme motif décoratif dans les frises de feuillage, est peinte sur les iconostases et sur les piliers au revers des arcs ou sculptée dans les ivoires. Le motif apparaît au Moyen Âge dans les fresques, les manuscrits. La Renaissance italienne a donc hérité d’une double tradition de même origine antique.
2/ Portrait de Simonetta Vespucci, vers 1480, Piero di Cosimo,
huile sur bois, 57 cx 42 cm, Chantilly, musée Condé, Rotonde de la galerie de peinture.

3/ Eucharistie, subst. fem.
THÉOL. et LITURG. [Souvent avec une maj.] Sacrement contenant le corps, le sang et la divinité du Christ au terme de la transsubstantiation du pain et du vin, renouvelant rituellement en action de grâce le sacrifice du Christ et constituant la nourriture des fidèles et le symbole de leur unité.