Le dit de l’image,
comme une éphéméride du sensible,
une ou des images choisies ou créées
qui appellent des mots, ou l’inverse…
Eva e Giuseppe
Dans le grand hall, je cherche des yeux parmi les kakémonos qui flottent dans les hauteurs tubulaires du centre Pompidou celui qui indique le lieu d’une exposition de dessins de Giuseppe Penone.
Si vous n’êtes pas familier de Beaubourg, pour atteindre la galerie d’art graphique du niveau 4, il faut d’abord se rendre au musée d’art moderne, niveau 5 et de là descendre par l’escalier intérieur jusqu’au niveau 4…
En 2020, Giuseppe Penone, figure majeure de l’art contemporain et membre du mouvement arte povera, plus connu comme sculpteur, fait une importante donation au Musée national d’art moderne : 328 dessins qui couvrent cinquante années de création de 1967 à 2019. L’exposition présente 241 dessins issus de cette donation. 1
Je déambule lentement dans la galerie d’art graphique, un labyrinthe avec des ouvertures verticales étroites dans ses murs blancs qui révèlent des fragments de vues d’une salle à l’autre.
Dans l’une d’elles je suis irrésistiblement attirée par une série de dessins à l’encre de Chine.

En trois traits de pinceau, Giuseppe Penone fait naître une silhouette féminine allongée d’une présence folle !
Je lis sur le cartel qu’il s’inspire parfois d’images célèbres issues de l’histoire de l’art, c’est le cas de « Gesti vegetali — Eva [Gestes végétaux — Ève] » où le personnage n’est autre que l’Ève d’Autun, figure d’un bas-relief attribué à Gislebertus, une œuvre majeure de l’art roman bourguignon provenant de la cathédrale Saint-Lazare d’Autun. Dans cette scène, Ève est représentée couchée, le corps ondulant dans une pose sensuelle.
Rentrée chez moi, je cherche à en apprendre plus sur L’Ève en pierre…

La Tentation d’Ève, un bas-relief en pierre calcaire de 72 cm de haut pour 132 cm de large probablement réalisé dans les années 1130, devait provenir du tympan du portail latéral de la cathédrale Saint-Lazare d’Autun. Attribué à Gislebertus, le sculpteur qui a signé le tympan, il est actuellement conservé au Musée Rolin à Autun.
Cette étonnante sculpture représente Ève allongée, sa silhouette semble onduler. Tout en chuchotant à Adam (aujourd’hui disparu) elle saisit [un fruit].
Cette œuvre montre toute l’habileté des artistes de l’époque romane qui respectaient de nombreuses règles iconographiques comme la loi du cadre.
La Tentation d’Ève (…) est un des rares nus monumentaux de cette période. La qualité du traitement de la taille : les éléments du feuillage, l’utilisation de la lumière pour accentuer les détails et rendre la narration plus lisible, le travail sur plusieurs plans qui crée de la profondeur en font un chef d’œuvre exceptionnel.2

(…) Son histoire est atypique. En 1766, le portail du transept est démonté et les pierres sont vendues comme matériaux de construction. Un siècle plus tard, le relief est redécouvert dans le mur d’une maison. Après plusieurs propriétaires, elle est acquise par la Société éduenne qui l’expose [désormais] dans son musée.2
L’œuvre a été restaurée en 2016 par le Laboratoire des musées de France.

Le regard des artistes sur les œuvres de ceux qui les ont précédés et la façon dont cela infuse dans leur propre travail ne cessera jamais de m’émerveiller !
1Exposition Giuseppe Penone Dessins 19 oct. 2022 – 6 mars 2023
2Extraits de La tentation d’Ève par Gislebertus sur le blog caryatides